Je suis petite, mais puissante

Publié le 9 mars 2020

Annette Anulik Boucher, qui se fait maintenant appeler Anu, est une jeune Inuk de 26 ans. Elle vient de Rankin Inlet, un village d’environ 2 800 habitants situé au Nunavut, sur la côte ouest de la baie d’Hudson. Du 1er au 31 mars, elle est porte-parole des Rendez-vous de la Francophonie, dont les activités se déroulent partout au Canada. Nous vous invitons à découvrir avec nous cette jeune femme inspirante.

Blogue Nos langues (BNL) : Anu, vous vivez actuellement à Ottawa, où vous parlez surtout l’anglais. Pourquoi est-il important pour vous de continuer d’apprendre l’inuktitut?

Anu : Mon père Yves est un Québécois de Rimouski; ma mère Leonie est une Inuk de Rankin Inlet. Pour moi, il est essentiel de continuer d’apprendre l’inuktitut. Même si c’est lent et difficile, cela fait partie d’une démarche de réappropriation de ma culture et de mon identité. Ça me rapproche de mon peuple, en plus de me permettre de me lier d’amitié avec ceux et celles qui m’enseignent.

BNL : Quel conseil donneriez-vous aux lecteurs qui souhaitent apprendre une nouvelle langue?

Anu : Je leur dirais de ne pas abandonner. Il y a des langues plus difficiles à apprendre que d’autres. Si on étudie l’inuktitut, par exemple, on n’a pas autant de ressources que si on étudie le français. Mais plus on pratique, plus on s’améliore. Ce n’est pas facile, mais il ne faut pas laisser les difficultés nous décourager. C’est comme ça que nous allons faire vivre la langue.

BNL : Que signifie pour vous d’être porte-parole des Rendez-vous de la Francophonie (RVF)?

Anu : Ça me permet de faire entendre ma voix et mon point de vue à mes compatriotes. Je suis reconnaissante, comme personne autochtone dans ce pays, d’avoir une tribune pour parler de sujets qui me touchent personnellement. Même si les Inuits sont une minorité, étant moins de 100 000 au Canada, certaines des questions au cœur des RVF de cette année (comme les changements climatiques) vont nous toucher encore plus que le reste des Canadiens. C’est donc important que je puisse en parler.

BNL : Les RVF de cette année ont pour thème l’environnement, une de vos passions. D’où vous vient cet intérêt?

Anu : L’environnement joue un rôle énorme dans le quotidien d’une Inuk qui grandit dans l’Arctique. Nous subissons des blizzards et des froids extrêmes. Mon village, Rankin Inlet, détient le record de la plus longue période de blizzard jamais enregistrée au Canada : 7 jours et 5 heures. Mais bon, même si la météo nous cause bien des ennuis, l’Arctique sera toujours la patrie des Inuits. Et puis avec le temps, nous avons appris à prédire la météo. Mais les changements climatiques rendent la météo et l’état des glaces plus difficiles à prévoir. C’est ma culture qui motive ma passion pour l’environnement : je veux protéger mon territoire natal et mes traditions. J’essaierai toujours de sensibiliser les Canadiens à l’importance de l’environnement.

BNL : Vous êtes coordonnatrice de projets à Pauktuutit Inuit Women of Canada, l’organisme national qui représente les femmes inuites du Canada. Qu’aimez-vous le plus dans ce travail?

Anu : J’ai la chance de travailler à des projets qui bénéficient à tous les Inuits du pays. En plus, ce travail me donne l’occasion d’en apprendre davantage sur mon peuple, mais aussi sur moi-même comme défenseure des intérêts des Inuits.

BNL : Qu’aimeriez-vous que les gens découvrent au sujet de la culture inuite?

Anu : À vrai dire, je voudrais faire connaître tous les aspects de ma culture. Être Inuk, c’est tellement plus que vivre dans un igloo et manger de la viande crue! Nous avons une riche culture et des enseignements précieux dont tout le monde pourrait tirer profit. Nous sommes tous forts; nous venons d’un milieu dans lequel d’autres n’auraient pas survécu et nous sommes débrouillards. Nous avons inventé le kayak (qajaq en inuktitut) et les lunettes de neige; l’idée du congélateur a été inspirée par les caches à viande inuites.

BNL : Est-ce qu’une personne, un auteur ou un livre a eu une influence importante sur vous ou sur votre parcours?

Anu : Je sais que c’est cliché de dire ça, mais mes parents ont profondément influencé ma vie. Ma mère n’a pas eu une vie facile; elle a connu bien des difficultés, et pourtant elle est devenue l’une des personnes les plus aimantes que je connaisse. Elle est très généreuse, mais elle ne mâche pas ses mots. Elle est toujours prête à prendre la parole pour les personnes qui n’ont pas encore trouvé leur voix. Mon père est un homme brillant et très respecté dans son domaine. Il m’a toujours parlé comme à une personne capable de tout comprendre, même quand il parlait de moteurs qui avaient la taille de notre maison. Grâce à lui, j’ai cru en ma capacité d’apprendre et de comprendre n’importe quoi, et je n’ai jamais douté de mon intelligence.

BNL : En terminant, vous avez déjà dit ceci dans une entrevue : « Je suis petite, mais puissante ». Qu’est-ce qui vous a inspiré cette devise?

Anu : Mes camarades de classe, dans le programme de technologie environnementale, me rappelaient sans cesse combien j’étais petite. Mais moi, j’ai toujours eu le sentiment que je pouvais réussir tout ce que j’entreprenais si j’étais déterminée, alors ma taille n’a jamais été un obstacle.

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En savoir plus sur Mélanie Guay et Julie Morin

Mélanie Guay et Julie Morin

Mélanie Guay est conseillère en communications au Portail linguistique du Canada. Elle est titulaire d’une maîtrise en éducation et d’un baccalauréat bidisciplinaire en enseignement du français et en enseignement moral. Elle aime collaborer à divers projets, tant dans son travail que dans sa vie personnelle. D’ailleurs, elle ne compte pas les heures de bénévolat dans le domaine sportif, entre autres.

Julie Morin est conseillère en communications pour le Portail linguistique du Canada. Diplômée de l’Université de Sherbrooke en communication, rédaction et multimédia en 2008 et réviseure agréée depuis 2016, Julie compte plus de onze ans d’expérience dans le domaine. Cette femme enthousiaste a à cœur d’outiller les gens afin qu’ils puissent améliorer leurs communications orales et écrites dans le cadre de leur travail et de leurs études.

 

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Soumis par Marie-Hélène Larrue le 10 mars 2020 à 10 h 09

Anu, l'espace d'une courte lecture, vous m'avez donné envie de mieux connaître votre culture. Je vais commencer par voir si vous avez d'autres choses à raconter sur le Net. Et puis je vais chercher des livres, des films... Merci!
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