Les dictionnaires et les langues autochtones

Publié le 13 janvier 2020

À quand remonte la dernière fois que vous avez consulté un dictionnaire? Je parle d’un vrai livre contenant une liste de mots, pas d’un moteur de recherche. Si vous êtes comme moi, votre réponse se situe quelque part entre « jamais » et « probablement à l’école secondaire ». Enfant de l’ère numérique, j’ai une crise de bâillements à la seule idée de consacrer de précieuses minutes à trouver une définition (ou pire, de tomber sur un renvoi!). Heureusement, la nouvelle exposition du Musée canadien des langues, intitulée « Au-delà des mots : Langues autochtones et dictionnaires », prouve que les dictionnaires ne font pas que contenir d’ennuyantes listes de mots, mais que ce sont aussi des monuments historiques relatant les récits des peuples qui les ont créés.

La revitalisation des langues

Dès les premiers contacts, les colons européens ont traduit les paroles des Autochtones en anglais et en français, et consigné le tout dans des dictionnaires. Ces ouvrages leur ont été utiles pour commercer, mais aussi pour mener à bien leurs projets de colonisation, de conversion et d’assimilation. Aujourd’hui, les communautés autochtones prennent les choses en main et créent leurs propres dictionnaires afin de léguer aux générations futures des outils qui les aideront à revitaliser leurs langues.

Les défis de la normalisation

Plus de 60 langues autochtones sont parlées aujourd’hui au Canada. Certaines n’ont que quelques locuteurs, comme l’onondaga, tandis que d’autres les comptent par dizaines de milliers, comme le cri et l’inuktitut. La plupart de ces langues se déclinent en divers dialectes ayant une prononciation, une orthographe et une grammaire très distinctes. C’est là qu’entre en jeu la question de la normalisation. Il faut parfois des années pour décider comment rendre compte des variantes dialectales dans un dictionnaire.

La façon dont les communautés s’y prennent pour créer leurs dictionnaires varie. Par exemple, la nation Cayuga a collaboré avec des linguistes qui l’ont aidée à déterminer comment structurer les articles, la nation Sioux Nakota a choisi de commencer par simplifier son système d’écriture, et les Mohawks de la baie de Quinte ont décidé de se concentrer sur les enregistrements et les technologies en ligne plutôt que de créer un dictionnaire imprimé.

Le dictionnaire, un artéfact culturel

Quoi qu’il en soit, il ne suffit pas d’exposer les apprenants à une abondance de mots. Les dictionnaires des communautés autochtones sont aussi riches en information sur la terminologie des domaines culturel et politique, comme les noms de lieux, les noms de chefs et le langage des rituels. Le dictionnaire anglais-cayuga, cayuga-anglais, par exemple, consacre toute une annexe aux paroles de la récitation traditionnelle de l’Action de grâces (Ganǫhǫnyǫhk).

Les outils éducatifs en ligne

Comme les dictionnaires sont élaborés dans le but de revitaliser et de préserver leurs langues, il est logique que bien des communautés autochtones choisissent de tirer profit aussi des technologies en ligne. Par exemple, le projet de revitalisation des langues appelé FirstVoices repose sur la collaboration de plus de 50 communautés autochtones de la Colombie-Britannique qui offrent aux internautes un accès à des outils d’apprentissage de leur langue. L’application Singuistics enseigne l’inuktitut par l’intermédiaire de chants traditionnels. Sur le site Web Rocky Mountain Nakoda, on peut apprendre la langue de la communauté Ĩyãħé Nakoda et en découvrir les traditions, les valeurs et les légendes.

En fin de compte, que vous soyez curieux d’apprendre une langue autochtone, que vous ayez à cœur de préserver et de revitaliser le patrimoine linguistique de votre communauté ou que vous ayez soif de découvrir la conception du monde, la politique ou la culture des peuples autochtones du Canada, il existe des ressources pour satisfaire vos intérêts! Allez explorer votre bibliothèque, ou suggérez à votre bibliothécaire d’acquérir des dictionnaires autochtones pour les rendre accessibles au plus grand nombre. Parcourez les ressources en langues autochtones répertoriées dans le Portail linguistique du Canada (lisez le billet de blogue de Mélanie Guay pour en savoir plus long). Ou encore, visitez le Musée canadien des langues pour apprendre à connaître les peuples qui créent ces merveilleux artéfacts linguistiques et culturels!

Liens

Traduit par Marc-André Descôteaux, Portail linguistique du Canada

Avertissement

Les opinions exprimées dans les billets et dans les commentaires publiés sur le blogue Nos langues sont celles des personnes qui les ont rédigés. Elles ne reflètent pas nécessairement celles du Portail linguistique du Canada.

En savoir plus sur Julia Fischer

Julia Fischer

Originaire de l’Allemagne, Julia est une étudiante de deuxième cycle universitaire en stage au Musée canadien des langues. En plus de parcourir le globe et d’étudier le patrimoine linguistique local, elle est traductrice de l’allemand à l’anglais et réviseure pour un magazine en ligne. Pour elle, connaître la langue d’un peuple nous ouvre les portes de sa culture. Elle souhaite donc étudier le plus de langues possible.
 

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