circonstancié, ée / circonstanciel, ielle

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Ces deux adjectifs sont des paronymes. C’est dire que, presque semblables par la forme et étant sémantiquement différents, ce sont aussi des quasi-homonymes. Puisqu’un usage fautif les confond parfois, il convient de les signaler à l’attention.

Le premier relève du style soutenu de la langue courante, le second est un terme technique appartenant au vocabulaire du droit pénal canadien.

  1. Le verbe circonstancier (circonstancier une affaire, un fait) est vieilli et n’est usité que comme participe passé employé adjectivement. Est circonstancié ce qui est détaillé, ce qui relate minutieusement toutes les circonstances, ce qui expose dans le menu détail des situations, des événements, des faits, des conclusions. Une analyse qui est succincte n’est pas [circonstanciée]. Un rapport circonstancié ("detailed", "full", "complete" ou "comprehensive report") ou un compte rendu circonstancié présente avec toutes les précisions nécessaires un état des faits. Le paragraphe 27(1) de la Loi sur l’immigration (Canada) prévoit que « [l’] agent d’immigration ou l’agent de la paix doit faire part au sous-ministre, dans un rapport écrit et circonstancié, de renseignements concernant un résident permanent  (…) ». « Le rapport qui nous a été présenté est exhaustif et très circonstancié. » Les rapports d’arbitres et d’experts, de police et de médecins légistes sont toujours circonstanciés étant des comptes rendus des détails d’une activité particulière. Une appréciation, une évaluation circonstanciée seront ainsi qualifiées, si elles se fondent principalement sur des justifications écrites. Une ordonnance circonstanciée énonce toutes les conclusions qui obligent le tribunal à la prescrire. Des faits, des événements sont qualifiés de circonstanciés parce qu’ils sont rapportés avec toutes leurs circonstances et qu’ils comportent de nombreux détails. Fait bien circonstancié, relation bien circonstanciée. Des chefs d’accusation sont circonstanciés quand ils énumèrent précisément et explicitement tous les éléments qui caractérisent l’accusation portée. Affidavit, exposé, préavis circonstancié. Relater des faits de façon circonstanciée.

    Ne pas confondre avis circonstancié (lequel donne tous les détails pertinents en l’espèce) et avis motivé (lequel énonce tous les motifs d’une décision). En common law, l’action pour atteinte indirecte ("action on the case") est parfois appelée action fondée sur une transgression circonstanciée, l’adjectif étant pris ici au sens de transgression indirecte. Une preuve circonstanciée entre dans tous les détails des faits à établir et présente toutes les circonstances des faits à prouver. « Ces sanctions présupposent la preuve d’un manquement déjà réalisé ou imminent de la part du grevé, alors que la preuve de la nécessité de fournir une sûreté peut être beaucoup plus circonstanciée et mettre en cause le comportement habituel du grevé, son aptitude générale à remplir les obligations de la nature de celles qui lui sont imposées, l’importance des biens substitués par rapport à son actif personnel ou toute autre circonstance jugée suffisante par le tribunal. »

  2. La preuve circonstancielle (remarquer l’orthographe cielle et non [tielle], quant à elle, se fonde sur des indices (on pense à des sortes de preuve apparentées comme la preuve indiciaire, en droit français, ou preuve présomptive), elle repose sur des présomptions, elle se rapporte à des faits indirects plutôt qu’à des faits directement observés. Elle résulte non d’une règle de droit, mais de circonstances qui rendent un fait extrêmement vraisemblable. « Blackstone enseigne qu’à défaut de preuves positives, qui doivent toujours être requises lorsqu’il est possible d’en obtenir, on doit avoir égard aux présomptions, c’est-à-dire aux preuves induites des circonstances qui, nécessairement ou communément, accompagnent un fait donné. » Au Canada, dans le droit de la preuve, l’équivalent preuve circonstancielle ("circumstantial evidence") est normalisé et doit s’entendre, en dépit des partisans de l’équivalent preuve indirecte (lequel rend plutôt le terme "indirect evidence", qui évoque la preuve par ouï-dire, d’une preuve non fondée sur une connaissance personnelle effective ou sur l’observation des faits en litige, mais sur d’autres faits ou sur des témoignages qui permettent de tirer des déductions, qui attestent indirectement les faits à établir. « Le processus d’appréciation de la preuve demeure le même, que l’affaire soit fondée sur une preuve circonstancielle ou sur une preuve directe. »

    Une jurisprudence libérale admet qu’un commencement de preuve peut résulter d’une preuve circonstancielle. « Au procès, le ministère public a présenté une preuve circonstancielle qui incrimine l’appelant. » Ce principe est codifié par l’article 2865 du Code civil du Québec : « Le commencement de preuve peut résulter d’un aveu ou d’un écrit émanant de la partie adverse, de son témoignage ou de la présentation d’un élément matériel, lorsqu’un tel moyen rend vraisemblable le fait allégué. »

    Force probante de la preuve circonstancielle. La preuve circonstancielle est un genre de preuve qui constitue souvent un facteur déterminant dans les affaires criminelles. Ce peut être une preuve de faits similaires. Elle constitue un des éléments de preuve à examiner parmi l’ensemble de la preuve rapportée. Sa force probante tient à la mesure dans laquelle elle renforce, par l’improbabilité d’une coïncidence, d’autres éléments de preuve inculpatoires. Établir une preuve circonstancielle, c’est dresser la mosaïque des événements qui ont précédé et suivi le fait incriminé. Preuve circonstancielle de la perpétration de l’infraction substantielle. Par exemple, la production d’une preuve circonstancielle est fréquente dans les affaires de possession de stupéfiant. Ainsi la découverte d’une drogue cachée dans une voiture appartenant à un accusé et conduite par lui au moment de la saisie constitue-t-elle une preuve circonstancielle qui permet au juge d’inférer que l’accusé détenait sciemment la drogue en un lieu pour son propre usage ou avantage, ce qui constitue la possession au sens du Code criminel du Canada. La preuve circonstancielle pourra suffire à établir que l’objet utilisé dans la commission de l’infraction était une arme à feu quand le juge du procès est convaincu que les témoignages rendus de vive voix lui permettent d’inférer que l’objet en question était bien une arme à feu.

    Dans quelles circonstances un verdict de culpabilité peut-il être fondé sur une preuve circonstancielle? Pour conclure à la culpabilité, il faut que la seule explication logique de la preuve circonstancielle soit que le défendeur a commis le crime. Tirer cette conclusion est essentiellement une question de fait qui résulte d’une appréciation de la preuve appartenant au jury ou au juge, le cas échéant. Une déclaration de culpabilité fondée sur une preuve circonstancielle nécessite qu’un juge fasse certaines inférences au regard des faits prouvés, les inférences devant toutes être logiquement tirées de la preuve et ne pouvant se réduire à de simples hypothèses, conjectures, suppositions ou soupçons. Il incombe au poursuivant d’établir que la culpabilité de l’accusé est la seule inférence logique qui puisse découler des faits prouvés. Si d’autres inférences raisonnables peuvent résulter de la preuve, l’accusé doit être acquitté. « C’est une règle de droit bien connue que la preuve directe n’est pas essentielle à l’obtention d’une déclaration de culpabilité et que la preuve circonstancielle peut suffire à cette fin si elle est « hors de tout doute raisonnable », comme l’exige la norme de preuve. » Règles de droit régissant la preuve circonstancielle. Preuve circonstancielle irrésistible.

  3. L’adjectif circonstanciel s’emploie aussi à propos de la règle du ouï-dire et de ses exceptions. S’agissant de déclarations faites, le juge doit s’assurer pour leur admission de leur garantie circonstancielle de fiabilité ou d’honnêteté. « Comme le juge en chef le mentionne dans cet arrêt, il y a des situations où la garantie circonstancielle de fiabilité justifiait l’admission de la preuve sans que celle-ci puisse être vérifiée au moyen d’un contre-interrogatoire. » Preuve circonstancielle visant à corroborer ou à confirmer les dires d’un enfant.

    Les principes qui doivent régir la création des exceptions à la règle du ouï-dire et l’admission de la preuve sont la nécessité de cette preuve pour établir un fait litigieux et sa fiabilité. Deux critères énoncés sous forme interrogative sont ici en jeu : La réception de la déclaration (d’un mineur, par exemple) est-elle nécessaire? Quelle garantie circonstancielle de fiabilité le témoignage rendu offre-t-il? « Cette norme plus souple est fondée sur la nécessité et sur la garantie circonstancielle d’honnêteté. »

    Autres occurrences relevées dans la documentation : affaire circonstancielle ("circumstancial case"), dérogation circonstancielle et loi circonstancielle (on eût pu dire mieux : loi de circonstance ("occasional act") par opposition à loi-cadre) et disposition circonstancielle ou provisoire dans le dispositif d’une loi.

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