Traduire le monde : Sud-Soudan ou Soudan du Sud?

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André Racicot
(L’Actualité langagière, volume 8, numéro 4, 2012, page 24)

En juillet dernier naissait un nouvel État, le Sud-Soudan, 193e pays à adhérer aux Nations Unies. Le Sud-Soudan, chrétien et animiste, se séparait alors du Soudan, pays musulman, après deux guerres civiles qui ont entraîné la mort et le déplacement de millions de personnes et provoqué de grandes famines.

La sécession de la partie sud du Soudan était prévisible après la tenue d’un référendum à ce sujet, en janvier 2011, qui avait donné une forte majorité aux partisans de l’indépendance. D’ailleurs, les médias avaient déjà commencé à utiliser le terme Sud-Soudan pour désigner le territoire depuis longtemps en révolte contre la partie nord du pays. Une fois l’indépendance acquise, les journaux francophones, tant canadiens qu’européens, ont fait chorus : le nouvel État s’appellerait le Sud-Soudan. La cause était entendue, du moins en apparence.

L’appellation ne faisait pas l’unanimité, car sa construction s’inspirait de l’anglais South Sudan. En effet, ne dit-on pas Afrique du Sud, et non Sud-Afrique? A-t-on jamais entendu parler de la Nord-Corée, de la Ouest-Allemagne? Bien sûr, on pouvait recenser quelques exemples dans le passé, comme Nord-Vietnam.

Il y avait néanmoins une rupture de logique qui a fini par agacer bien des gens et, pour une fois, les médias ont rapidement rectifié le tir, au lieu de s’enfoncer dans l’erreur, comme c’est parfois le cas. Et pour cause, car le nouvel État faisait son entrée officielle aux Nations Unies sous le nom de République du Soudan du Sud.

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Il fallait aussi baptiser les habitants du nouveau pays. Évidemment, on ne pouvait pas les appeler tout simplement les Soudanais, en raison de la confusion possible avec les habitants du Soudan proprement dit. Il fallait nécessairement construire le gentilé avec le point cardinal, comme cela se fait déjà pour d’autres pays divisés, par exemple les deux Corées. Ne parle-t-on pas couramment des Nord-Coréens et des Sud-Coréens? Alors pourquoi pas les Sud-Soudanais?

Curieusement, l’adoption de ce nom choquait moins que l’expression Sud-Soudan. Il faut dire que ce genre de construction, où le point cardinal vient en premier, est l’usage en français pour les noms d’habitants.

Cela ne signifie pas pour autant que ces formes ne sont pas contestables, mais force est de constater qu’elles ont la cote et sont passées dans le vocabulaire courant. D’ailleurs, parler des Africains du Sud au lieu des Sud-Africains pourrait susciter plus de confusion qu’autre chose : est-il question des habitants de l’Afrique australe ou de l’Afrique du Sud? Donc, pour le Soudan, il serait certes plus conforme à la démarche du français de parler des Soudanais du Sud que des Sud-Soudanais.

Nous nous heurtons encore une fois à un illogisme de l’usage. D’un côté, les toponymes le plus souvent énoncés à la française; de l’autre, les noms d’habitants à l’anglaise. Il faut reconnaître que les formes télescopées de l’anglais sont toujours très attirantes, ce qui explique sans doute ce phénomène.

La conversion de Sud-Soudan en Soudan du Sud est porteuse de leçons, car elle illustre l’importance de se tenir au courant de l’usage, qui peut changer très rapidement. D’où l’importance de suivre l’actualité.

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